Mr. Nobody

Date de publication: 
13 avril 2022

Mr. Nobody est une œuvre cinématographique de science-fiction écrite et réalisée par Jaco Van Dormael en 2009. On y accompagne Nemo Nobody dans plusieurs trames narratives qui évoluent en parallèle – sans que l’une soit plus réelle que les autres – et qui se donnent à voir comme un recensement exhaustif des vies que le personnage principal aurait pu mener, selon les choix qu’il aurait faits au cours de son existence.

L’œuvre repose sur la théorie du chaos qui stipule qu’il est, dans certains cas, impossible de prédire que des situations comportant des données initiales en apparence identiques mèneront à une conclusion équivalente. De ce fait, cette théorie constate que la physique classique (basée sur les lois de Newton) n’est pas toujours en mesure de prédire des évènements dans la vie réelle. Cela s’explique notamment par l’idée qu’en pratique, plutôt qu’en théorie, il est improbable que deux situations (ainsi que les conditions initiales qui les composent) soient parfaitement équivalentes.

La théorie du chaos est explicitée dans Mr. Nobody par l’effet papillon, principe selon lequel chaque micro-évènement influe sur l’enchaînement des évènements suivants et ainsi de suite. Ainsi, des variations qui semblent préalablement négligeables entraînent à long terme des bouleversements considérables. L’effet papillon est ainsi intrinsèquement lié à la théorie du chaos, puisque son déploiement permet d’expliquer comment deux situations semblables ont le potentiel de mener à des dénouements totalement distincts.

Partant de ces principes scientifiques, le film entreprend de rendre compte de cette infinité de potentialités qui existent simultanément au sein d’un instant où une décision n’est pas encore prise. En ce sens, le personnage principal comprend très jeune que «tant qu’on ne prend pas de décision, tout est encore possible1

 

Relation au projet

Le film s’inscrit dans le projet de recherche Archiver le présent dans la mesure où il tend vers une représentation exhaustive des possibilités liées à l’expérience du réel. En effet, l’œuvre prétend faire le portrait des différents chemins de vie qui auraient pu être empruntés par Nemo Nobody, et ce, dans la perspective de certains choix clés auxquels il se voit confronté au fil de son existence. Par exemple, alors que ses parents se séparent lorsqu’il est encore très jeune, Nemo se voit forcé de choisir avec lequel de ses parents il préfère demeurer. Partant de ce nœud décisionnel, le récit se subdivise en deux sous-histoires principales, l’une dépeignant la réalité d’un Nemo grandissant avec son père (dont il devient le proche aidant en raison de la perte d’autonomie physique de celui-ci; habitant un appartement miteux et travaillant dans un petit atelier plutôt que de poursuivre ses études); et le quotidien d’un Nemo élevé par sa mère (qui rencontre Harry l’homme pour qui sa mère a initialement quitté son père et qui développe éventuellement une relation amoureuse passionnelle avec Anna, la fille de celui-ci).

Parmi les intersections décisionnelles que la trame narrative met de l’avant comme points de bascule, on compte notamment les moments où Nemo offre une lettre d’amour à Elise, donnant lieu, soit à son refus, ce qui conduit le jeune homme à un terrible accident de moto, soit à leur mariage, lequel est suivi d'une lente dégradation d’Elise, devenue dépressive après la naissance de leurs trois enfants. Dans une autre séquence ouverte par une décision de Némo, le jeune homme décide de marier la première fille qui accepte de danser avec lui; c’est ainsi qu’il rencontre et marie Jean, ce qui ouvre la voie à un enchaînement d’actes d'autosabotage qui mènent éventuellement à sa mort. De la même façon, dans une autre séquence, Nemo avoue à Anna qu’il ne sait pas nager, ce qui est à l’origine de leur relation. Bien que le film mette l’accent sur les conséquences causées par ces décisions précises, il laisse toutefois entrevoir que chaque détail laisse place à une infinité de possibilités qui existent en un même point. En ce sens, Mr. Nobody suggère une nette recherche d’exhaustivité en appuyant sa démonstration sur des moments spécifiques par souci d’efficacité et de façon à respecter le cadre limitant des cent trente-sept minutes de son expérience.

L’œuvre propose aussi une tentative d’épuisement de la notion de temporalité. On constate effectivement que le temps dans le film est représenté comme une dimension non linéaire. D’abord, la proposition de départ veut que les enfants – avant leur naissance – soient conscients des potentialités qu’implique le déroulement de leur vie respective. Contrairement aux autres, Nemo serait né en conservant cette capacité à percevoir les éventualités présentes dans chaque instant. On peut alors contempler sa propre réalité comme une suite d’évènements latents compressés dans le présent. En ce sens, la thèse du film cherche à représenter un épuisement de la notion d’«espace-temps», en montrant que l’on peut envisager cette dimension comme un lieu tangible au sein duquel tous les moments existent simultanément, entortillés les uns dans les autres.

Le récit des multiples vies parallèles du personnage principal est narré par la version vieillissante de Nemo qui, on le comprend vers la fin, n’a tout simplement pris aucune décision au cours de son existence, demeurant ainsi un simple «témoin» des possibilités qui s’offraient à lui. Cette représentation du personnage illustre carrément l’humanisation de ce temps pluriel et non linéaire.

 

Bibliographie

Van Dormael, Jaco (aut. & réalis.). (2009). Mr. Nobody [Film]. Toronto: Entertainement One.

  • 1. As long as you don’t choose, everything remains possible.
Pour citer: 

Brunet-Jacques, Frédérik (2022). Mr. Nobody [Entrée de carnet]. Dans Bertrand Gervais (dir.) et Vincent Lavoie (dir.),  Explorations en culture numérique. archiverlepresent.org. https://archiverlepresent.org/entree-de-carnet/mr-nobody. 

Auteur·e·s (Encodage): 
Brunet-Jacques, Frédérik
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