Installation
Photographie
Suns from Sunsets from Flickr
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Dans un entretien en ligne, l’artiste-photographe Penelope Umbrico dit que l’apparition d’Internet a changé son travail, car elle se retrouvait désormais en capacité de trouver des photographies sans avoir à les prendre elle-même. C’est à partir de là que commence son travail d’appropriation des images vernaculaires circulant sur Internet.

En 2006, elle débute une série de photographies collectant des images du soleil trouvées sur la plateforme en ligne Flickr. Elle utilise la recherche par mot-clé pour récupérer toutes les photos comportant le mot «soleil» dans leur description. Pour la première exposition de cette œuvre, elle en récolte 541 795, ce qui donnera le titre de l’installation: 541,795 Suns (from Sunsets) from Flickr (Partial) 01/23/06. Chaque installation reprend, en effet, dans son titre le nombre d’images trouvables sur la plateforme Flickr avec le mot soleil dans sa description, lorsque l’artiste actualise son œuvre. Penelope Umbrico précise toujours que le compte est partial car l’œuvre est toujours en cours. Lors de sa dernière actualisation, l’œuvre s’appelait ainsi:  30,240,577 Suns (from Sunsets) from Flickr (Partial) 03/04/16. La série se trouve donc sans cesse dans un mouvement infini d’actualisation. 

L’œuvre questionne nos pratiques d’image à l’heure du numérique et des plateformes de partage d’images. Les photographies, par leur rassemblement, témoignent de ce qu’on pourrait appeler, à la suite d’Émile Durkheim, d’un fait social. C’est-à-dire: «toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure; et, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel.» Prendre une photographie du soleil et la publier sur Flickr est une action reproduite à l’identique par des centaines de milliers de personnes à travers le monde.

Relation au projet: 

Cette œuvre de Penelope Umbrico relève, à notre sens, d’un quadruple épuisement.

Les première et deuxième formes d’épuisement sont liées. En effet, dans le travail de Penelope Umbrico, il s’agit d’épuiser toutes les données disponibles en ligne sur un objet particulier. Épuiser ces données semble primordial pour l’artiste qui précise, à chaque installation, le nombre de photographies récoltables. La deuxième forme d’épuisement est celle de l’objet présent sur ces données, ici le soleil. Comme le rappelle l’artiste dans ses entretiens, ce qui l’a fascinée au commencement, c’est qu’il n’y a qu’un seul et unique soleil et pourtant il y a des centaines de milliers de photos de lui différentes. Bien sûr, ces deux formes épuisements sont des tentatives vaines. Car, comme le montrent les actualisations des installations, le nombre de photographies ne cesse d’augmenter. Et on aura beau multiplier les points de vue en photographiant, notre condition humaine nous empêche d’épuiser les angles de vues sur le soleil. Nous sommes au fond réduit à un seul et unique point de vue sur cet objet gigantesque qu’est le soleil. C’est d’ailleurs pour cette raison que toutes les images récoltées par l’artiste se ressemblent autant. 

Les deux autres formes d’épuisement sont davantage liées à la pratique artistique de Penelope Umbrico. La troisième est l’épuisement du dispositif. L’artiste a en effet reproduit le même dispositif de récolte sur différents types d’images en rapport avec le soleil. On retrouve ainsi des images provenant de Flickr, mais qui sont des «sunsets portraits», des images d’éclipses, des images du soleil sous copyright, etc. Et la quatrième forme d’épuisement est celle de la mise en forme de ces données. Les images de Suns from Sunsets ont été utilisées sous forme d’installation changeant chaque fois, publiées sur le site de l’artiste ont également servi à faire un screen saver ainsi qu’un film et un livre, etc. Ces données sont donc utilisées de nombreuses fois chacune, épuisant ainsi leur utilisation.