Vidéo
Les Réveils
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Tourné en Super 8, Les Réveils est l’un des premiers projets de l’artiste Pierrick Sorin. Initié en juin 1988 et s’étalant sur une période de deux mois, on y aperçoit le jeune vidéaste et plasticien encore inconnu filmé en plan fixe, au moment du réveil. Le dispositif, que Sorin explique au début de sa courte vidéo de cinq minutes, est assez simple; une caméra d’autofilmage est installée près de son lit. Un micro est placé aux côtés de l’oreiller et sert aussi de télécommande pour la caméra, qui s’allume lorsque ce premier est utilisé. En branchant solidairement les lampes et le radio-réveil sur un programmeur de tension, Sorin peut planifier l’heure de son réveil (qui sonne à un moment aléatoire entre 7h00 et 8h00).

Relation au projet: 

Il s'agit d'une tentative d'épuisement d'un évènement, celui du réveil matinal. Le projet participe égalemment d'un imaginaire archivistique puisque Sorin filme et diffuse le moment de son réveil pendant deux mois, constituant alors une forme d'archive en compilant chacun de ces courts moments qui débutent la journée. 

En répétant dans chaque capsule qu’il est «complètement crevé» et en formulant sans cesse le souhait de se coucher plus tôt dorénavant tout en nous donnant, le lendemain, la preuve vidéo de l’échec de sa résolution, Sorin met en scène l’itération de sa propre défaite. Pour Elisabeth Milon (2000), Les réveils est un «autoportrait de l'artiste à moitié endormi, pris par surprise dans ce moment intime. […] La structure répétitive accentue l'effet comique et place l'auteur dans une situation d'échec à répétition. C'est l’image de l'artiste, habituellement vu comme un créateur, qui est ici remise en question.» L’humour surgit essentiellement du paradoxe constant entre le constant recommencement de la scène et la répétition, chaque matin, d’une même affirmation: Pierrick Sorin assure le spectateur que « ça ne peut plus durer » alors même que le principe tourne en boucle – et à vide – un peu comme si son propre dispositif lui échappait ou désobéissait à ses commandes.

La fatigue, l’épuisement de l’artiste rejoint l’idée d’épuisement du dispositif et de l’évènement. S’il n’y a pas épuisement du corps, on assiste cependant à une thématisation de l’exhaustion, autant celle du protagoniste créé par Sorin que du spectateur, lui aussi fatigué par cette répétition constante du même vœu inabouti formulé dans les mêmes mots. Le titres évoque à la fois l’appareil mécanique qui sert à calculer l’heure et l’acte quotidien de s’extirper du sommeil; un lien se crée alors entre la compilation par l’archivage du temps et la question du quotidien et de sa trivialité.