Livre
Photographie
April Dawn Alison
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April Dawn Alison est une publication posthume des images prises au fil des ans par une photographe éponyme à l’ouvrage. April Dawn Alison était l’alter ego créatif d’Alan Schaefer (1941-2008), un photographe publicitaire d’Oakland (Californie) relativement anonyme de son vivant. À la mort de Schafer, à l’âge de 67 ans, on découvre une importante collection de polaroïds, tous des autoportraits exécutés sur une période de trente ans. Les images montrent Schafer alors qu'il incarne April dans diverses situations de la vie privée. Ces archives ont été liquidées par les héritier.ère.s de Schafer, et l’acheteur les a par la suite gracieusement données au San Francisco Museum of Modern Art, en 2017.

Il est peu aisé de déterminer quelle était la perception qu’avait April de son travail, qu'elle intention motivait sa pratique, ainsi que le rôle qu’elle jouait dans la vie de Schafer. Il est néanmoins certain qu'April représente bien plus qu'un costume, un simple travestissement : sa démarche photographique, l'attention et le soin prêté à la documentation de son corps, de sa personnalité et de ses loisirs, laisse penser qu’elle était une persona créée par Schafer grâce à laquelle iel expérimentait avec le genre sans qu’on sache vraiment de quelle manière iel s’identifiait.

Consciente de l’irrésolution qui entoure le statut des images et celui d’April, la commissaire Erin O’Toole a consulté les proches et les membres de la famille ainsi que des personnes concerné.es, avec lesque.les elle a échangé sur la dimension éthique de cette démarche de publication avant d'entamer son travail de curation.

L’ouvrage, d’un total de 220 pages, contient une introduction de Erin O’Toole ainsi qu’un texte de l’artiste visuelle Zackary Drucker.

Relation au projet: 

L’ampleur de l’archive produite par April Dawn Alison l’inscrit presque d’office au nombre des démarches liées à l’exhaustivité : c’est plus de 9,200 polaroïds qui sont découverts dans l’appartement de Schafer au moment de son décès. En documentant ses performances devant la caméra, April s’inscrit dans une pratique itérative dont la mise en page choisie par la commissaire rend d’ailleurs très bien compte. Les photographies se succèdent selon une logique sérielle et presque narrative du fait de leur prise en rafale.

L’usage du polaroïd lie la pratique d’April à l’instantanéité (le présent est fixé sur la pellicule et rendu disponible au regard immédiatement après sa capture, sans la période de latence qu’implique le développement) mais aussi à l’intimité (le polaroïd fait en sorte que chacun.e dispose de ses images sans avoir à effectuer un passage en laboratoire).

À travers ses images, ce sont plusieurs conceptions de la féminité qu’explore April, comme si elle tentait d’épuiser le réservoir de représentations de « La femme » que la culture populaire rend disponible. O’Toole, d’ailleurs, pressent ce rôle d’exhaustion rempli par les images de l’artiste : « in them she embodies a wide range of feminine archetypes drawn from advertising, motion pictures, and pornography », écrit-elle dans son avant propos. Sur l’ensemble des photographies, April apparaît tantôt un balai à la main, habillée en soubrette, ou sur le point de mettre la table ; tantôt, en bas résille, elle fait face à la caméra dans une posture érotique.

Il y a une dimension autoréflexive et humoristique à ce geste de reproduction des stéréotypes genrés : dans ses images, April se met régulièrement en scène en tant que photographe, mais aussi en tant que photographiée, alors qu’elle consomme son propre contenu visuel. Elle souligne alors la dimension performative de l’image et du genre, qui sont tous deux en train de se faire et de se consolider polaroïd après polaroïd, sur la base des modèles offerts par le discours médiatique, publicitaire, pornographique.

Discours / Notes: 

Made over the course of some thirty years, the photographs in this book depict the many faces of April Dawn Alison, the female persona of an Oakland, California based photographer who lived in the world as a man. This previously unseen body of self-portraits, which was given to the San Francisco Museum of Modern Art in 2017, begins tentatively in 1970s in black-and-white, and evolves in the 80s into an exuberant, wildly colourful, and obsessive practice inspired by representations of women in classic film, BDSM pornography and advertising. A singular, long-term exploration of a non-public self, the archive contains photographs that are beautiful, hilarious, enigmatic, and heartbreakingly sad, sometimes all at once.