Photographie
100 boxes
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John Wood et Paul Harrison sont un duo d’artistes britanniques formant le collectif «Wood et Harrison» actif sur la scène de l’art contemporain depuis une vingtaine d’années. À travers des performances, des installations, des vidéos et des sculptures, ils interrogent le statut de l’objet aujourd’hui. Une partie de leur travail de sculpture-photographie consiste à prendre un objet et à lui faire subir un certain nombre de variations. Ici une boîte en carton, mais d’autres séries utilisent des feuilles de papier blanc, des règles métalliques ou encore des balles de tennis. Dans une poursuite de la pratique duchampienne du ready-made et sans faire abstraction de l’humour de Marcel Duchamp, ils prennent ici cent photographies d’une boîte en carton qu’ils écrasent de différentes manières. La prise de vue est en légère contre-plongée frontale et est toujours la même. Les cartons défilent mais leur forme diffère.

Comme dans toute démarche de type ready-made, il y a ici une réflexion sur la symbolique d’un objet prélevé d’un univers symbolique premier pour être transposé à l’univers symbolique du monde de l’art. Les cartons des entrepôts et des déménagements se retrouvent ici dans l’espace de monstration du musée ou de la galerie. Mais ici, cette réflexion se double d’une mise en forme de la matérialité de l’objet et de sa résistance. D’ailleurs ce n’est pas l’objet en tant que tel qui est montré mais une reproduction. L’objet reproductible à l’infini (la boîte en carton) est pris en photo et donc son image devient également reproductible ad libitum. Le fait d’avoir fait des photographies de cartons déformés peut alors être vu comme une tentative de déjouer les processus de réification de l’objet. Un carton déformé aurait obtenu un statut d’objet original et non reproductible alors que le passage par le medium photographique permet de garder le statut reproductible de l’objet initial.

Relation au projet: 

La série photo de Wood et Harrison, tout comme l’ensemble de leurs séries basées sur le même dispositif, est une tentative d’épuisement d’un objet. Bien sûr, l’objet n’est pas un objet unique, car un seul objet ne pourrait pas subir autant de modifications, mais c’est l’épuisement d’un modèle, d’un motif. Comme si l’on pouvait venir à bout des possibilités de l’objet, ici déformé 100 fois. Mais également à bout des façons d’envisager cet objet, pour interroger sa réalité et sa représentation. Comme le disent Wood et Harrison, il s’agit pour eux, à travers toutes ces déformations, de comprendre comment l’objet fonctionne. 

Cette déformation n’est pas arrivée par hasard; elle est également le résultat d’une action s’étant produite sur l’objet. Et cette action semble toujours avoir été la même, un écrasement. Peut-être plus que l’épuisement d’un objet, nous pouvons considérer qu’il s’agit ici d’épuiser les conséquences d’une action sur un objet, et donc le geste lui-même dans sa relation avec l’objet.