Type d'enregistrement: 
Entrevue
Titre: 
Archiver le présent de la contre-culture
25 avril 2018

Fondé dans l'objectif de promouvoir et de conserver les productions culturelles de la contre-culture montréalaise, Archive Montréal se dédie depuis 1998 à l'archive de son présent immédiat. Dans une logique du par et pour, l'organisme s'intéresse tout particulièrement aux expressions artistiques laissées de côté par les réseaux de diffusion ou d'archivage institués: tracts, fanzines, affiches, supports audiovisuels obsolètes, etc. Conçu dans une perspective politique d'émancipation et d'inclusion des personnes marginalisées, le mandat d'Archive Montréal couvre le présent – de 1998 à aujourd'hui – ainsi que toutes les publications marginales ou contre-culturelles depuis les années 1960.

L'organisme semble donc aussi bien dans un rapport épochal au contemporain (un rapport à l'époque contemporaine) que dans un rapport modal (un mode d'être dans le temps et dans le monde) (Ruffel, 2016): en plus de s'intéresser aux productions du présent, Archive Montréal entretien un certain rapport au temps, marqué par une opposition à la culture dominante, et les valeurs de la gauche radicale. «Archiver le présent» pour Archive Montréal, c'est donc s'inscrire de plein pied dans le contemporain.

Izabeau Legendre: Archive Montréal fait beaucoup de choses différentes. Quelle est la cohérence derrière le mandat de l’organisme?

Louis Rastelli: Il y a une cohérence très forte. Ça semble être un peu chaotique, mais ce ne l’est pas du tout. On n’a jamais, depuis 1998, eu à modifier notre mandat. On s’est incorporé en 1998, donc à la fin de l’année, ce sera notre 20e anniversaire. Notre mandat est clair: nous sommes un organisme de promotion du milieu des arts marginaux et undergrounds: l’art des artistes marginalisés, expérimentaux, ou simplement hors des pistes; des gens qui manquent de plateformes de diffusion, ou d’accès à un public.

En faisant des activités pour les mettre en valeur, comme des foires, des présentations, des expositions, on a décidé d’archiver leurs productions. En 1998, moi j’étais dans la vingtaine, et j’avais déjà témoigné de la disparition des années 1980, pour ce qui est des artefacts. Les journaux, les revues, les livres, la musique, les fanzines, etc.

À la fin des années 80, je publiais, avec des amis, un magazine indépendant. J’ai commencé à contribuer aux magazines culturels de Montréal.

Mes collègues, qui ont fondé avec moi Archive Montréal étaient eux et elles aussi des éditeurs de livres ou de fanzines. Il y avait aussi des artistes, comme Julie Doucet, la bédéiste, qui commençait à faire sa propre production de fanzines plutôt expérimentaux.

On s’est mis ensemble parce qu’il y avait selon nous un manque flagrant de projets de ce genre. Il n y a pas eu de salon ou foire qui a duré plus qu’une ou deux éditions. On sentait un besoin.

IL: Il n’y avait pas d’événements de diffusion, mais il y avait quand même une production locale.

LR: Oui et non. À la fin des années 90, il commençait à y avoir un genre de panique. La gentrification changeait les quartiers, les loyers devenaient chers, et les gens ne voyaient pas d’opportunité de carrière dans les arts à Montréal. La trajectoire classique, c’était celle-là: à un certain âge, quand tu commençais à avoir un certain succès, tu déménageais à New York, à Paris, à Los Angeles, à Vancouver ou à Toronto. Il n’y avait rien ici. On sentait que Montréal était une ville sans issues. Il y avait toute une scène d’artistes, d’auteur-es qui n’avaient nulle part pour être publié-es et se faire connaître. Et ceux et celles qui arrivaient à se faire publier n’étaient pas diffusé-es. C’est là qu’on a décidé de mettre sur pied un organisme de diffusion et de promotion des arts indépendants. En tant qu’artistes, on faisait ça aussi pour nous.

Mais on ne voulait pas seulement promouvoir, on voulait aussi garder des traces de cette culture-là.

Ceux qui se mettaient pour faire des publications très modestes n’avaient nulle part pour les vendre ou pour les faire connaître. On a décidé que ça prenait des projets pour ce milieu-là. Quand on a pensé à l’archivage, au début on pensait: ça va nous prendre deux organismes. En consultant le registre des entreprises, on a réalisé que rien n’empêchait d’avoir plusieurs mandats, en tant qu’OBNL (Organisme à But Non Lucratif). On a donc trouvé notre formule: promouvoir et préserver, simultanément.

Et dès le départ, on savait qu’il y avait une grande importance à accorder aux articles éphémères, question de donner contexte aux fanzines, cassettes, livres, etc. Dès le départ, ce n’était pas juste des œuvres, mais aussi des flyers, des dépliants, des catalogues d’exposition et d’activité, des bottins, des agendas remplis trouvés par hasard. Ces documents aident à fournir un contexte pour le milieu culturel indépdenent, marginal, obscur, et de plus ce genre de document éphémère ne faisait pas parti des activités de collecte des institutions comme la Bibliothèque et les Archives nationales du Québec (BAnQ).

IL: Ce sont des objets qui deviennent culturels par votre travail d’archivage.

LR: Oui. Un des membres fondateurs, Billy Mavreas, est un artiste affichiste: il a beaucoup travaillé dans la production d’affiches de concerts, ou d’autres événements culturels. Son père avait un magasin de trouvailles sur Saint-Laurent au moment où on a fondé les archives. Ça aussi, ça a foré notre intérêt pour les ventes de garage, les collectes d’ordures, etc. On cherche toujours des choses qui ne sont pas nécessairement en lien avec les archives traditionnelles, mais qui font partie d’un archivage de l’éphémère.

On archive donc surtout de l’imprimé et des productions audiovisuelles, comme des films originaux, ou même des vidéos que les gens ont prises lors de concerts ou d’événements littéraires, par exemple. Pour les livres, c’est plus des fanzines, des journaux culturels, et du matériel qui nous aide dans nos recherches. Par exemple, on a une collection des journaux qui donnaient un agenda culturel de la semaine, des années 1960 à aujourd’hui, pour nous aider à bien voir ce qu’on a et ce qui nous manque, pour replacer les œuvres les unes par rapport aux autres.

Chaque année, on ajoute des œuvres contemporaines, des fanzines, des romans ou des livres de petits éditeurs. On ne cherche pas à avoir des documents qui sont archivés ailleurs, comme les livres qui font partie du dépôt légal de la BAnQ, parce qu’on sait qu’on peut aller les voir pour consulter les documents. On réussit à sauver de l’espace en étant conscient de ce qui est disponible ailleurs.

Les acquisitions sont évidemment importantes. On en fait beaucoup à nos événements même, comme à Expozine, ou durant notre festival d’arts imprimés.

IL: Étant donné votre mandat et votre approche de l’archive, quels sont les défis techniques auxquels vous faites face pour l’archivage des productions culturelles marginales? Quels sont les défis liés à l’archivage des productions contemporaines?

LR: Pour le moment, je pense qu’on a une formule gagnante, et j’espère que d’autres organismes, ici ou ailleurs, pourront s’en inspirer. Avec Expozine, ou encore avec Distroboto, on a des nouveaux ou des nouvelles auteures, artistes et éditrices qui nous contactent pour la diffusion de leurs œuvres. Pour la diffusion, on note leurs informations dans notre système.

À la BAnQ, ils doivent trouver l’artiste, le convaincre de remplir un formulaire, avoir un-e employé-e qui retape le formulaire dans le système, classer l’œuvre. Pour quoi tout ça? Pour avoir une copie sur une étagère. Nous, on se facilite la tâche en faisant tout d’un seul coup.

Sur la table là, on a 250 publications qu’on a récupérées le samedi et le dimanche à Expozine. On a, pour chacune, une information détaillée: site web, nombre de collaborateur-ices, etc. On a numérisé les couvertures, on leur a donné un code qui correspond au code de l’image de leur couverture, qui est dans notre système. Quand le gala Expozine sera fini, ils vont se retrouver sur la tablette, facilement repérable dans notre système.

Devant nous, on a les deux dernières années de livres en nomination à Expozine. On les garde séparément parce que c’est important pour nous de garder les publications dans leur contexte. Normalement, on classe les œuvres par artiste, mais dans le cas de Expozine, on trouve ça important de pouvoir reculer dans le temps. Comme ça, on peut voir les tendances apparaître et disparaître. Quelque part en 2010-2011, par exemple, on a commencé à voir des photo-zines qui utilisaient des photos très lourdement modifiées par Photoshop. La technique est aujourd’hui commune, en arts visuels, et dans les fanzines aussi. Des artistes très connus travaillent comme ça avec Photoshop maintenant. Eh bien nous, on peut voir quand ça a commencé dans les arts underground, dans les fanzines, dans les affiches,

C’est très important, pour moi, les études médiatiques et les recherches en histoire des médias. C’est très intéressant d’avoir autant d’informations à disposition.

IL: Et pour l’archivage des documents antérieurs à la fondation de l’organisme, quels sont les enjeux pour l’acquisition des documents?

LR: Tous les centres d’archive ont des défis à relever. Quand la BAnQ a été fondée, leur première préoccupation a été, comme je disais, de rattraper le temps perdu, en allant chercher des documents des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Avant les années 1970, la BAnQ n’avait aucun réel intérêt pour les documents contemporains; comme tous les musées, tous les organismes qui travaillent avec le patrimoine, leur intérêt portait surtout loin dans le passé. Plus récemment, au cours des 20 dernières années, les gens ont commencé à reconnaître un peu plus l’importance d’archiver au présent.

Mais on sait très bien que si on veut parler de la culture nord-américaine – et pas juste de la contre-culture, mais de la culture en général – les années 1960 sont super importantes. C’est là que tout a vraiment commencé: c’est une décennie de rupture avec le passé, tout ce qu’on vit aujourd’hui commence là – les médias de masse, la musique, les arts.

Maintenant, c’est facile de défendre cette vision de l’histoire récente de la culture. Des chercheur-es et des professeur-es d’université travaillent sur la contre-culture des années 1960 en montant. Mais à la fin des années 1990, ce n’était pas si évident.

Un des défis que les centres d’archives ont à relever, en ce qui concerne les documents des années 1960, 1970, et même 1980, c’est que beaucoup de documents ont disparu. Personne n’archivait au fur et à mesure, comme on le fait aujourd’hui. La chance qu’on a – c’est un peu bête à dire – c’est que de plus en plus les personnes qui ont participé à cette culture-là meurent. À tout coup, on retrouve plus de documents en 2018 qu’on pouvait en trouver en 2000, en 2005 ou en 2010. Il y a aussi des gens, comme Pagliaro ou Raoul Duguay, par exemple, qui font eux-mêmes le dépôt de leurs archives personnelles à la BAnQ.

On réussit, donc, à combler lentement le manque à gagner.

Là c’est le printemps qui commence, ça va être le temps d’aller fouiller à gauche et à droite. Pour moi, c’est un peu ça la passion de l’archive: je me lève de bonne heure les fins de semaine, pour faire les ventes de garage. Je surveille aussi les bacs de recyclage. On a aussi un réseau de pickers, qui fouillent comme moi les ventes de garage, les bacs de recyclages, et qui revendent ensuite à des boutiques ou des librairies de livres usagés. Maintenant qu’ils savent que ce qui nous intéresse, nous, personne ne voudra l’acheter, ils nous l’amènent. Je reçois souvent des textos disant: «sur tel coin de rue, il semble y avoir 7 ou 8 boîtes de livres, de bobines de film qui dépassent, tu peux aller checker ça».

Chaque année, on trouve beaucoup de documents comme ça: des journaux, des livres qu’on ne savait même pas qu’ils existaient, des choses qui remontent jusqu’aux années 1960 parfois, des vrais trésors.

Notre première acquisition, début janvier, c’était justement cinq ou six sacs de vidanges, dans lesquels on a récupéré les trois boîtes de films que tu vois, là.

Il y a aussi les périodes de déménagement, avant le 1er juillet. Parfois, par exemple, des journalistes qui ont couvert la culture dans les années 1980 ou 1990 vendent leur maison et veulent se débarrasser des documents qu’il-les ont rassemblés depuis le temps. Ça, c’est très intéressant, parce que souvent on n’a pas tout. C’est idéal quand c’est des journalistes, ou des anciens animateurs de radio, qui nous donnent leur collection, parce que c’est des gens qui recevaient énormément de dossiers de presse, des dossiers promotionnels. C’est des dossiers souvent très complets sur des artistes complètement oubliés. Là aussi, côté documents éphémères, il y a une grande valeur archivistique là-dedans. On ne veut pas juste récupérer le CD ou l’album, on veut le dossier de presse : la lettre d’introduction, l’affiche, etc.

Ils préparent un déménagement à Radio-Canada. Ils vont jeter énormément de documents, c’est sûr. On les a déjà contactés pour leur dire qu’on aimerait consulter ce qu’ils ont, prendre ce qui nous intéresse et qu’ils ne déménageront pas. Dans leur tête les gens vont vouloir récupérer le CD. On s’en fout du CD! On l’a probablement déjà, nous. Ce n’est pas unique, un CD enregistré en studio! C’est pas ça qui nous intéresse! On a souvent ce problème-là. Même à Radio-Canada, les archivistes ne comprennent pas que pour nous, le plus important c’est toutes les informations contextuelles qui risquent d’être perdues dans le tri.

IL: Est-ce que vous constatez une présence de l’archive dans les productions artistiques contemporaines? Est-ce que vous voyez des traces de votre travail d’archivage dans les productions artistiques? Vous disiez tout juste que l’idée d’archiver les petites traces était assez récente. Est-ce que vous voyez des traces de cette idée dans les productions artistiques contemporaines?

LR: Oui. C’est un peu à la mode ces jours-ci. À la BAnQ, pour le 50e anniversaire, ils ont invité des artistes contemporains à remixer des archives, ou à produire des œuvres inspirées des archives. Pour moi c’est une tendance, un fad, qui reste très superficiel. C’est trop facile. C’est une mode que je trouve un peu affreuse, en fait.

On a aidé une artiste à travailler sur l’exposition sur Leonard Cohen au MAC (Musée d’Art Contemporain de Montréal), justement une jeune artiste. Il m’a dit: «Ça m’a été dit que vous aviez de ses disques! Wow! J’en avais jamais vu! Et je peux les emprunter!» Finalement, elle nous emprunter les couvertures sans les disques, parce qu’elle n’avait pas de table tournante chez elle…

Ça fait des exercices un peu fun, mais il n’y a pas, selon moi, d’œuvres sérieuses qui travaillent avec les archives. Ces artistes-là ne prennent pas le temps de bien connaître les archives, de bien travailler avec elles. Le MAC commandite ça parce qu’il sait que ça va être populaire, mais ils ne cherchent pas à prendre le temps de bien travailler les archives. Nous aussi, on veut populariser les archives, mais on espère que cette nouvelle tendance se traduise en recherches approfondies sur le passé local, et dans l’histoire des artistes de la contre-culture.

De notre côté, par exemple, on a mis beaucoup d’emphase sur le cinquantième anniversaire d’Expo 67. Pour nous, premièrement, Expo 67 c’est le paradis de l’éphémère. Tu vois là, on a un casse-tête d’Expo 67, du savon, un bumper sticker psychédélique, des photos, des cartes postales, etc. C’était le premier grand événement canadien à déployer un marketing comme on en connaît aujourd’hui.

Encore plus important pour nous, Expo 67 c’était aussi un grand rassemblement d’artistes avant-gardistes, comme on n’en avait jamais vu. L’esthétique d’Expo 67 était très futuriste. Il y avait de la musique de partout dans le monde, mais presque toujours très expérimentale. Comme, par exemple, le compositeur Iannis Xenakis: ses pièces c’est souvent plus ou moins un buzz, qui donne l’impression que le stéréo est brisé. Il a présenté un concert à Expo 67. Tout le milieu de la musique concrète québécoise en a été très influencé. Côté art visuel, il y a avait beaucoup de choses flyées aussi. C’était les débuts de l’art d’installation.

Bref, l’anniversaire d’Expo 67 a été un super bon prétexte pour mettre en valeur des artistes obscurs de Montréal et du Québec, des artistes dont on a rarement souligné le travail.

Au MAC, encore une fois, ils ont pris la voie facile: ils ont engagé une professeure et des artistes. On a reçu un appel des jeunes, qui voulaient s’inspirer des archives d’Expo 67 pour leurs œuvres. Encore une fois, ça a été plaisant pour elles et eux, mais encore une fois, on voyait dans leurs œuvres qu’il-les ne savaient pas trop quoi faire avec les documents.

À l’inverse, les gens de la bibliothèque publique de New York sont vraiment les pionnèr-es dans la promotion des collections d’archives. Ils font des activités où ils invitent le public à venir jouer dans les collections numérisées, pour faire des collages d’images, de vidéos, etc.

Nous-mêmes, un de nos projets récents allait dans ce sens-là. L’année dernière, on a participé au projet Possibles. L’idée, c’était de travailler avec des artistes en bas de 30 ans sur des projets artistiques pour réfléchir à l’avenir de Montréal, à partir de son présent et de son passé. On a travaillé avec deux poètes qui se sont démarqués à Expozine, et avec un imprimeur de beaux-livres, qui est aussi présent à Expozine. On a fait un livre-objet ensemble, à partir de traces de textes, d’anciens fanzines, des livres de poésie, des livres sur la ville, des photos, et ainsi de suite. Ça a donné un mélange intéressant.

Les photos n’ont pas été manipulées par Photoshop, je pense. L’idée c’était vraiment de créer à partir d’oeuvres. Évidemment, on aimerait voir d’autres projets du genre. Si ça réussit, on aimerait commencer à développer un volet production, pour faire des œuvres dans ce genre-là, des œuvres qui mettent en valeur nos fonds d’archives et l’histoire de Montréal. Depuis le début de l’organisme, je pense qu’il y a un potentiel de promotion et de conservation, mais aussi de production, basé sur le tout. Idéalement, on pourrait faire des recueils, des anthologies, des livres qui explorent le meilleur de la contre-culture du passé. Justement, il faut que tout ça reste dans le présent, pour que ça inspire, que ça influence ce qui se fait maintenant.

Dans un sens, on le fait déjà. Quand on a du financement pour des projets d’exposition, de façon générale, on essaie de présenter le matériel publiquement comme accompagnement. On n’a pas fait de livre encore, mais on a quelques projets de livre pour les années à venir.

IL: Et d’une façon moins directe, quel est, selon vous, l’impact de votre travail de promotion et de conservation sur la contre-culture à Montréal? Dans quelle mesure ce qui se produit aujourd’hui n’aurait pas pu se produire sans le rôle que vous jouez?

LR: Je pourrais répondre avec beaucoup d’arrogance… Plus tôt, j’expliquais l’urgence qui avait mené à la fondation de l’organisme. Les gens partaient de Montréal un par un, littéralement. Il ne faut pas oublier les quelques 100 000 étudiant-es universitaires à Montréal, en plus de tous ceux et celles des Cégeps. Il n’y avait pas de possibilités de publier des poèmes ou des dessins. Ça n’avait aucun bon sens. Il y avait des centres d’artistes, mais trop peu. Il n’y avait pas encore les lieux de concert ou d’exposition, comme la Casa del Popolo. C’était encore tout à inventer. Quand on a organisé le premier Expozine en 2002, on pensait connaître tout le monde de la scène du fanzine à Montréal. On voyait ça comme un genre de consolation pour ceux et celles qui n’étaient pas déjà à Toronto, ou en Europe ou ailleurs. C’était comme une foire pour nos ami-es.

En publiant l’appel, on s’est retrouvé inondé de demandes. On a immédiatement découvert qu’il s’en passait beaucoup plus qu’on pensait. Pendant les premières éditions, Expozine a quasiment doublé à chaque édition. On est passé de 60 exposant-es à 120, puis à 200, à 250. C’était tellement pire que ce qu’on imaginait! Il y avait tellement plus de gens sans diffusion, sans moyen de se faire connaître. Est-ce qu’il-les seraient parti-es? Est-ce qu’on les a retenus à Montréal? On ne peut pas savoir. Mais on peut quand même dire qu’aujourd’hui, la situation n’a rien à voir avec ce qu’elle était à la fin des années 1990. Si on veut être arrogant-es, on peut dire que sans nous, tout ça n’aurait pas pu exister comme ça existe aujourd’hui.

Et depuis qu’Expozine est devenu aussi gros, c’est sûr que beaucoup de gens sont inspirés, que le monde embarque dans la scène plus qu’avant.

Quand j’avais 14 ans, je ramassais les fanzines gratuits des disquaires, les premières BD artisanales. Ça m’impressionnait tellement! C’est une grosse découverte, de voir qu’on peut créer soi-même, sans attendre un contrant, du financement, sans avoir besoin de la permission. Ça m’a énormément inspiré.

Quand on a commencé Distroboto, un peu avant Expozine, on avait déjà cette idée de donner une plateforme aux artistes pour les diffuser, mais aussi d’encourager les jeunes à embarquer. «Vas-y! Deviens artiste! Deviens écrivain-e! Arrête d’attendre de te faire publier par quelqu’un d’autre. Fais-le toi-même!». Souvent on mettait, avec les fanzines dans Distroboto, des modes d’emploi pour faire des fanzines. Pour les premières éditions d’Expozine aussi, on distribuait à l’entrée un dépliant avec des instructions pour faire des fanzines.

Je ne peux pas te dire qui, exactement, on a influencé, mais c’est certain que beaucoup de gens n’auraient peut-être jamais connu les fanzines si ce n’était pas devenu aussi gros.

Au moment de commencer Expozine, on voyait un besoin flagrant de sortir les gens de leurs solitudes, de les rassembler une fois par année au moins, pour vraiment solidifier la scène artistique. Maintenant, on essaie de faire la même chose avec l’art imprimé et les livres d’artistes. On crée des nouveaux projets, mais avec les mêmes motifs, les mêmes observations. On voit en ce moment toute une production d’art imprimé et de livres d’artistes d’un côté, et un manque incroyable de valorisation et de diffusion des œuvres de l’autre. Il y a un festival papier, pour les galeristes qui vendent de l’art sur papier artisanal, mais il n’y avait rien pour les arts de l’impression artisanale. Avec Expozine, on voyait très bien que les affiches, la sérigraphie, c’est très fort à Montréal. Il n’y a aucune raison pour ne pas mettre ça en valeur.

IL: Dans le processus de mise en valeur, les archives sont aussi importantes. Je pense à des collectifs comme la Passe, par exemple: ce qui rassemble les gens autour de projets artistiques, c’est aujourd’hui aussi les archives.

LR: Oui. Et c’est très important pour nous de travailler avec des collectifs comme la Passe. Depuis tantôt, on parle de façon un peu générique de promotion des jeunes artistes, des artistes de la relève, etc. Ça, c’est le langage des demandes de subvention, auquel on doit se conformer. Mais nous, on fait partie de la contre-culture, de la gauche radicale. Notre mission, c’est de donner une voix à ceux et celles qui n’en ont pas, et de faire une place dans la mémoire collective pour les oublié-es. Qui vient présenter à Expozine? Beaucoup des zinesters font partie de communautés très marginalisées: LGBTQ et d’autres lettres qu’on ne connaît même pas encore, des immigrant-es tout juste arrivé-es, des réfugié-es, ou des gens qui se sentent simplement un peu différents, isolés. La contre-culture, ça a toujours été la place des weirdos. Déjà dans les années 1960-1970, il n’y avait pas vraiment de limites.

Notre approche de l’histoire – la critique radicale, l’histoire à contre-courant – commence à s’infiltrer dans les universités. Ça va peut-être prendre des décennies, mais il faut commencer à réaliser que les livres d’histoire on été par des blancs et pour des blancs, principalement des hommes blancs, et qu’ils racontent l’histoire des hommes blancs. On a des centaines d’années de rattrapage à faire pour raconter l’histoire des gens qui ont vécu à Montréal.

Sur ce point-là, on travaille beaucoup avec d’autres centres d’archive radicaux de Montréal, comme le centre d’histoire orale de Concordia, qui fait des projets d’histoire par transmission orale dans les communautés migrantes à Montréal.

D’un autre côté, on se rend aussi compte que c’est un peu bourgeois notre affaire. C’est principalement des artistes blancs francophones et anglophones de la fin du XXe siècle qu’on archive. On peut peut-être se dire que, dans les années 1960-1970, il y avait moins de diversité à Montréal, mais en même temps...

Tiens, prends ce livre-là, par exemple, Let The Niggers Burn! Ça documente les émeutes de 69 à l’université Concordia1.

On a beaucoup de journaux universitaires aussi. On peut, au moins, voir les premiers organes de communication qui ont pris conscience de ces injustices-là. Mais quand même.

IL: On en a déjà parlé, mais je voudrais savoir ce que vous en pensez plus en détail. Quels sont les rapports, selon vous, entre la culture qui vous intéresse – celle que vous archivez – et la culture plus officielle? Dans les livres qu’on regardait ensemble avant l’entrevue, il y avait des artistes qui font aujourd’hui partie de l’histoire officielle, qui sont des emblèmes des années 1970.

LR: Oui, c’est vrai. Claude Péloquin, par exemple, qui a été comme le poète officiel de Québec.

IL: Et d’un autre côté, pleins d’artistes de la contre-culture ne sont jamais passé-es à l’histoire.

LR: Il y a quelque chose qui se passe aujourd’hui qui ne se passait pas dans les années 1960. Moi, je suis né au début des années 1970; dès le milieu des années 1980, j’ai trouvé les années 1960 fascinantes. J’ai commencé à fouiller, surtout dans la musique, le Garage, le Psychedelic, des groupes obscures. Entre-temps, la grosse machine mainstream de culture officielle fêtait le vingtième anniversaire des Beatles, album par album. Il fallait aller ailleurs! Il fallait aller explorer.

Aujourd’hui, en 2018, il y a un regain d’intérêt pour des figures des années 1960 et 1970 qui ont été longtemps laissées de côté. Des universitaires viennent ici pour faire des recherches; c’est surtout des gens comme Denis Vanier qui les intéressent. Et les gens de la BAnQ sont surpris qu’on ait des œuvres de Raoul Duguay ou de Claude Péloquin qu’ils n’ont pas! Ça ne les intéressait pas, dans les années 1970!

On peut dire que depuis les années 1960, certains membres de la contre-culture deviennent des stars de la culture officielle. Ces artistes deviennent les pionnièr-es, les avatars des prochaines tendances en arts visuels, en littérature, en cinéma, en musique. Toute une génération des années 1990, par exemple, a recyclé la musique punk des années 1970 – une génération qui n’était même pas née dans les premières années du punk. On est toujours curieu-se de savoir ce que seront les prochaines tendances dominantes, et ce qui va demeurer obscure. On ne peut jamais savoir à l’avance.

IL: Autant une partie importante de la production culturelle underground va rester dans les milieux undergrounds, autant une petite partie de cette production va devenir la culture dominante.

LR: Oui, oui. Et ça souligne, pour nous, l’importance de ne pas faire de choix. C’est une approche assez commune en histoire: il ne faut pas décider pour les historien-nes de l’avenir. On ne peut pas choisir aujourd’hui ce qui va être important pour demain; il faut donc essayer de tout garder, autant que faire se peut.

On a vu ça plusieurs fois, en vingt ans. Des chercheur-es viennent nous poser des questions sur cet artiste-ci, cette artiste-là. «Encore une autre! Han! On n’aurait jamais cru!» C’est pour ça, comme je le disais, que c’est important, comme je le disais pour Expozine plus tôt, de garder les productions ensemble, avec ce qui s’est produit en même temps. On ne sait jamais ce qui va sortir du lot, ce qui va finir par représenter un certain moment.

Il y a, par exemple, Jon Rafman, qui a eu un relatif succès, et qui a commencé à Expozine. C’est un artiste qui fait des installations, et des photographies manipulées. Il a présenté de ses œuvres au MAC. Son nom me disait quelque chose quand j’ai commencé à le voir dans le journal, mais je n’aurais jamais pu prédire qu’il sortirait comme ça de la contre-culture. Maintenant, je commence à voir ce qu’il y avait, dans ces premiers fanzines, de différent des autres. C’est devenu une grosse tendance, les photographies fortement manipulées par Photoshop: beaucoup d’artistes font ça maintenant. Une chance qu’on a tout gardé! Il faut que ça continue de faire partie de notre philosophie.

Je pense aussi à Dominique Pétrin. C’est une artiste qui a un très grand succès aujourd’hui. Elle faisait des couvertures de revues quand je faisais ma publication Fish Piss. Elle a fait beaucoup de BD, qu’on a dans nos archives. Après, elle a eu une carrière musicale, avec Les Georges Leningrad. Encore une fois, on a les démos, et tous les albums. On avait même filmé quelques-uns de leurs concerts. Quand elle a arrêté la musique, elle s’est lancée dans les installations. Elle a maintenant une renommée internationale. Elle a même participé à un projet avec Banksy à Jérusalem (son hôtel en 2017)!

Bref, je pourrais dire qu’elle est l’une des parties les plus importantes de notre collection. Elle a fait peut-être 15 fanzines, et on les a tous ici. Elle en a fait pour Distroboto aussi. Dans son cas, l’importance du fanzine dans l’évolution de sa pratique est incroyable. En le mettant en série, on voit son incroyable évolution, très clairement. Mais finalement, personne n’aurait pu prédire qu’elle deviendrait une figure importante de l’histoire de l’art québécois, et pas juste une figure majeure de la scène du fanzine.

Après son succès professionnel, elle est venue faire partie du jury pour les prix Expozine, ce qui était assez logique, pour quelqu’un qui avait commencé avec des fanzines.

Mais ce n’est pas juste ça, promouvoir la culture underground. Évidemment, c’est plaisant quand on peut aider la recherche, mais le mieux, c’est de participer à l’histoire officielle. Avec des expositions, des publications, et ainsi de suite, on peut apporter des clarifications, des informations qui manquent. On trouve ça très important que notre milieu soit bien représenté dans les films, dans les livres qui prétendent en parler. C’est par là, à mon avis, qu’on peut avoir le plus grand impact.

IL: Quelle place joue le zine dans tout ça? Pourquoi avoir commencé votre travail de promotion de la contre-culture avec des projets comme Distroboto et Expozine?

LR: Le fanzine est devenu abordable dans les années 1960, et ce n’est pas un hasard si ça coïncide avec le début de notre mandat. Dans les années 1960, des nouvelles technologies d’imprimerie ont beaucoup démocratisé la presse. Les universités se sont dotées de presses coopératives. Ça à partir de là que c’est devenu vraiment possible, une scène pour le fanzine.

Aujourd’hui, il y a de moins en moins de revues, de journaux, de périodiques qu’avant. C’est peut-être pour ça, mais il y a beaucoup plus de fanzines en ce moment. On essaie d’ailleurs d’inclure le plus possible des nouvelles revues, des nouveaux magazines à Expozine, parce que, vraiment, c’est difficile. C’est surtout dans les cinq premières années d’Expozine que ça a chuté: les revues collectives sont disparues, une par une. Mais ce n’est pas seulement négatif: c’est vraiment moins cher qu’avant, imprimer. On peut le faire seul-e, sans avoir à dépendre de qui que ce soit pour l’argent. Il ne faut pas oublier qu’à la fin des années 1990, personne n’avait de machine à typographie et à imprimé à la maison. Aujourd’hui, qui n’a pas accès à Word ou à Photoshop?

Moi-même, quand je faisais des fanzines dans les années 1990, je collais à la main, pour monter mes pages. Les images, il fallait les imprimer séparément. Même les blocs de texte, il fallait les coller à la colle! Ça parait fou aujourd’hui.

Pendant Expozine, quand je fais des entrevues avec les médias, on me demande systématiquement: «pourquoi est-ce que les jeunes, avec leurs ordinateurs et leurs téléphones, veulent encore tuer des arbres?»! C’est important, le travail sur le papier. Ce n’est pas la même chose, le numérique. La pertinence du papier n’a pas changée. Le numérique, c’est de l’information. Les livres, c’est œuvres. Il y a une énorme différence entre un artefact et de l’information. De l’information, ça existe sous toutes sortes de formes, mais un artefact est impossible à remplacer. Ça fait partie de la confusion. Mais c’est simple: le numérique n’a toujours pas réussi à remplacer les artefacts.

Il ne faut pas oublier que les artistes, souvent, veulent laisser une trace. Ils et elles ont quelque chose à dire à propos de la société. Le numérique, c’est éphémère. On écrit un truc et on le publie sur le web, et dans quelques années, ça n’existera plus.

IL: Pour revenir aux zines, est-ce qu’on pourrait dire que la scène du zine est une scène artistique autonome? Ou, au contraire, est-ce que la scène du zine est remplie de gens qui ont toutes sortes d’autres pratiques artistiques? Est-ce que tout le monde fait un peu de tout, ou est-ce qu’il y a des scènes différentes?

LR: À une certaine époque, le fanzine était très lié au milieu de la musique. C’est l’un des aspects ont disparu avec l’arrivée d’internet. Ici, on a vu ça comme un développement très positif; ça a beaucoup diversifié les fanzines. Avant, il y avait beaucoup de fanzines faits par des jeunes qui espéraient avoir des billets de concert gratuits, pour faire une entrevue avec leurs idoles. Maintenant, avec Pitchfork et Facebook, avec les sites internet qui parlent de musique à tous les jours, ce n’est plus vraiment possible.

Tiens regarde ça ici: c’est un des fanzines que j’ai faits, dans les années 1990. Pour payer les coûts d’imprimerie, il fallait chercher des pubs, des commandites. J’étais toujours pris pour mettre une vingtaine de pages de critiques de disques, pour financer l’impression. Maintenant, ça n’existe presque plus, il n’y a presque plus de fanzines qui parlent de musique comme ça. Pour moi, c’est un peu libérant.

La plupart des fanzines aujourd’hui sont des trucs très personnels, très politiques, avec beaucoup d’innovations, d’expérimentations avec l’impression, avec le papier. Il y a, par exemple, des fanzines de «poésie visuelle»: des fanzines sans mots, juste une suite de dessins abstraits. Il y a aussi des mélanges de mots et d’images, sous toutes les formes. Évidemment, il y a beaucoup de BD, aussi. Il y a certainement plus de gens qu’avant en arts visuels qui font des fanzines. Il y en a qui appellent ça des art-zines. Les photo-zines, c’est aussi une affaire d’artistes d’arts visuels; ce n’est pas un truc de photographes.

À une époque, on était coincé avec ça: photocopiés en noir et blanc, même pas brochés. J’aime ça quand même, ça témoigne d’une époque. Celui-là c’est juste sur la musique, mais il y a des illustrations originales aussi. Tu vois ce que je veux dire? Il n’y avait pas beaucoup de marge de manœuvre pour la création, avec les contraintes qu’on avait: noir et blanc, ancre seulement, toujours le même papier, et ainsi de suite. Pour quelqu’un qui voulait travailler en couleur, avec des techniques mixtes, différents types de papiers, le fanzine n’était vraiment pas un médium attirant, alors qu’aujourd’hui, c’est dans le fanzine que ça se passe. Regarde celui-là, par exemple: des pages imprimées en off-sets, risographe pour les dessins, reliure à la main, sérigraphie pour la couverture.

On assiste à une étrange conjonction entre l’évolution rapide des ordinateurs et le retour de techniques artisanales super anciennes. Du design graphique imprimé en sérigraphie sur du papier fait à la main! Ça fait des choses qui témoignent vraiment de notre époque.

Je suis toujours impressionné par les artistes d’aujourd’hui qui n’ont pas bu le Kool Aid du numérique. Quand on a commencé Expozine, y’a plein de gens qui nous disaient: «Ça va durer trois ans, quatre max. C’est la génération iPod: dès qu’ils vont grandir, tout va se faire sur ordinateur. Ils n’auront aucun intérêt à participer à votre projet». Évidemment, je pense qu’on a le dernier rire! Je trouvais ça très naïf, à l’époque: «Tu penses vraiment que ça va tout remplacer? C’est quand même juste un écran!» Il y avait beaucoup d’exagération, dans les débuts d’internet.

IL: En fait, c’est le contraire qui est arrivé: avec internet, les zines rapidement devenus quelque chose en soi.

LR: Oui. Il y en a très peu qu’on peut consulter en ligne. On a commencé à en mettre sur notre site, mais on reste responsable: il y a des auteurs qui ne veulent pas; on respecte les droits d’auteur. On a la permission pour toutes les vieilles affaires, mais les jeunes aujourd’hui ne mettent pas leurs créations en ligne. Une œuvre, ça a la forme que l’artiste lui a donnée. Ce n’est plus la même œuvre si on fait des scans de chaque page et qu’on met le texte ici, les images là.

IL: Et quelle est l’importance du zine pour Archive Montréal, comparée à celles d’autres pratiques, d’autres médiums?

LR: C’est un peu la forme qui est au cœur de nos archives. Malgré le fait qu’on ait une très grande collection de musique – 12000 ou 13000 documents sonores de Montréal, de la contre-culture, de la musique expérimentale, des années 1960 à aujourd’hui – on peut dire que les fanzines complètent tout ça, qu’ils donnent la cohérence. Avec les revues et les fanzines, on peut retracer 40 ans de concerts undergrounds de jazz, de musique concrète, de musique improvisée, etc. On lit un fanzine, on apprend l’existence d’un groupe, et on peut le retrouver dans notre collection de documents audio.

Dans les années 80, évidemment, il commence à avoir beaucoup de musique industrielle, expérimentale et punk dans les fanzines. Là encore, on a tout ce qui vient avec. Si on prend, par exemple, une revue collective de 1983 et qu’on regarde la section concerts: on peut retrouver dans notre collection d’affiches les affiches qui annoncent les concerts, et après on va écouter leurs démos et leurs albums dans notre collection de musique.

IL: Au final, le zine dans vos archives, c’est un peu le document qui permet de rassembler toutes les pratiques. À partir du zine, on peut aller vers d’autres productions.

LR: Oui, c’est un point de départ très intéressant.

RÉFÉRENCES

Ruffel, Lionel. Brouhaha. Les mondes du contemporain. Lagrasse: Verdier, 2016. Print.

  • 1. Du 19 janvier au 11 février 1969, la plus grande occupation d’une université de l’histoire du Canada frappait l’Université Sir George Williams, aujourd’hui partie du campus principal de l’Université Corcordia au centre-ville de Montréal. 400 étudiant-es, pour beaucoup des personnes racisées, ont occupé les locaux d'informatique, au neuvième étage du pavillon Henry F. Hall, pour critiquer le racisme d’un professeur et la complicité de l’administration de l’université. Un incendie motive l’évacuation par les forces de l’ordre. 97 personnes sont arrêtées et incarcérées dans les cellules ségrégées, et les dommages sur les locaux coûtèrent plus de deux millions de dollars à l’université.
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