«Art, littérature et réseaux sociaux» au Centre Culturel International de Cerisy
Labex Arts-H2H
Colloque
21 mai 2018 - 28 mai 2018

Ce colloque est organisé dans le cadre du projet Archiver le présent, soutenu par le Labex Arts-H2H et la Chaire ALN-NT2 (UQAM).

Les réseaux sociaux, incarnés par des entreprises comme Facebook, Twitter et Snapchat sont les médias de masse dominants de ce début du XXIe siècle. En permettant la circulation de textes, images et sons dans des temps très courts, ils donnent à toute information la possibilité d'atteindre une audience mondiale, influencent les décisions et contribuent à mobiliser les masses, court-circuitant ainsi les médias du XIXe et XXe siècles (presse, radio, télévision). Cette circulation séductrice, qui réside dans la captation du temps attentionnel de l'utilisateur et l'intrusion logicielle de ses appareils, dégage richesse et puissance, notamment à partir des données que ces entreprises récoltent et monétisent. Elle s'accompagne de discours d’accompagnement idéologiques qui prônent la liberté d’expression, la participativité, l’accessibilité, l’innovation. Ces mécanismes ont fait l'objet d'une analyse développée par la théorie critique, les théoriciens des médias, notamment l'écologie des médias, et par de nombreux artistes. Mais les réseaux sociaux sont aussi des média techniques, c'est-à-dire des machines d'enregistrement, de stockage et de traitement de données (F. Kittler), et c'est en tant que tels qu'ils peuvent constituer des médias de masse. S'il est vrai qu'une culture repose sur ses machines d'archivage – en l'occurrence, dans les sociétés occidentales, sur ses machines d'écriture, alors celles-ci conditionnent l'environnement au sein duquel toute production intellectuelle et artistique se déploie. Ainsi les réseaux sociaux agissent-ils comme dispositifs (M. Foucault, G. Agamben) mais aussi comme mise à disposition (K. Easterling) des conditions de l'encodage du réel, que ce soit sous la forme de textes, images et sons. Si de ces conditions, pliées sous la forme de conditions scientifico-techno-industrielles et intra-structurelles (Y.Citton), l'écriture ne peut sortir, quelle peut être alors la marge de manœuvre pour des «contre-figurations» artistiques et littéraires? Des «contre-figuration» qui pourraient, non pas seulement représenter, mais changer les coordonnées du représentable (J. Rancière) en installant des dissensus au cœur des systèmes de représentation? L’expérimentation littéraire et artistique sur les réseaux sociaux constitue, dans certains cas, un détour, et dans d’autres un acte politique, parfois naïf, parfois désespéré, subversif ou consentant, parfois réellement déstabilisant. Dans tous les cas, elle se constitue en exploratrice, sondant et cartographiant les réseaux. À sa manière, elle en dessine les contours et les reliefs et contribue à concevoir les réseaux sociaux pour en inventer ou en réactiver d'autres. Notre colloque a comme objectif de recenser les pratiques, mais aussi de les mettre en œuvre; d’étudier des zones d’ambiguïté, mais aussi de les explorer «en acte»; de retracer l’histoire et l'archéologie des pratiques; de formuler les conditions d'une esthétique; d'envisager la réappropriation de l'archive. De montrer, enfin, comment les réseaux sociaux et les artistes dialoguent, «malgré tout».